Parmi les débats qui divisent les acteurs cosmétiques figurent les huiles estérifiées. Moins chères, moins efficaces… On peut lire beaucoup de choses à leur sujet sur Internet. Mais qu’en est-il vraiment ? Les experts de la commission technique Cosmébio vous les présentent afin de vous aider à construire votre opinion.
Qu’est-ce qu’une huile estérifiée et à quoi sert-elle ?
Ce qu’il faut savoir avant d’aller plus loin, c’est que les corps gras d’origine végétale (huiles et beurres végétaux) ou animale (cire d’abeille...) utilisés en cosmétique sont majoritairement des esters, c’est-à-dire une matière issue d’une réaction entre des acides gras (acide linoléique…) et un alcool (glycérol…).
La principale différence entre les huiles végétales et les huiles « estérifiées », c’est leur mode d’obtention. L’huile végétale est issue d’une réaction biochimique réalisée par la nature dans des graines ou des fruits oléagineux, et est ensuite extraite via un procédé physique (pression de la graine par exemple). L’huile « estérifiée » est quant à elle dérivée des corps gras naturels, dont l’homme a isolé les différents composants dans le but de n'en garder que certains.
Pour bien comprendre, imaginez un pull tricoté avec plusieurs fibres naturelles de couleurs différentes. L’huile estérifiée serait le pull détricoté puis retricoté uniquement avec les fibres des couleurs qui nous intéressent.
À noter que pour les produits labellisés selon COSMOS, les huiles estérifiées sont obtenues selon les principes de la chimie verte, c’est-à-dire que l’homme reproduit ce que fait la nature en s’interdisant l’usage de substances pétrochimiques.
Le terme « huile estérifiée », apparu il y a quelques années dans le livre La Vérité sur les Cosmétiques de Rita Stiens, nous semble donc inapproprié car cela revient à parler d’« huile huileuse ». Ce terme n’étant pas un terme scientifique, nous parlerons donc ici d’émollients obtenus par estérification pour plus d’exactitude.
Les émollients sont des ingrédients utilisés en cosmétique pour assouplir la peau et pour empêcher son dessèchement (propriétés émollientes et occlusives).
Pourquoi utiliser des émollients obtenus par estérification ?
L’utilisation d’émollients obtenus par estérification présente plusieurs avantages :
- Une meilleure sensorialité pour le consommateur : les émollients obtenus par estérification permettent d’avoir une large palette sensorielle. Ils permettent la création de nombreuses textures en combinaison avec les huiles végétales, dont ils favorisent l’étalement et la pénétration (les huiles végétales seules ont du mal à pénétrer). Les huiles estérifiées n’ont en aucun cas vocation à remplacer les huiles végétales. En cosmétique conventionnelle, cette palette de touchers est obtenue à l’aide des silicones et des huiles minérales, qui sont des ingrédients issus du pétrole.
- Innocuité et impact environnemental réduit : les émollients obtenus par estérification en intégrant les principes de la chimie verte sont sans danger pour le consommateur et disposent d’un impact environnemental faible. Elles sont totalement biodégradables.
Les opposants aux émollients obtenus par estérification indiquent souvent comme troisième avantage une plus grande stabilité. Ce n’est pourtant pas vrai car il existe des émollients obtenus par estérification moins stables que les huiles végétales et inversement. Par exemple, l’acide linoléique et l’acide gamma linolénique ne sont pas stables et ont besoin d’antioxydants. À l’inverse, l’huile végétale de marula est très stable à température ambiante.
Peut-on formuler un produit en se passant d’émollients obtenus par estérification ?
Il est tout à fait possible de formuler des cosmétiques sans utiliser d’émollients obtenus par estérification. Le choix se portera alors sur des huiles et beurres végétaux.
La texture du produit sera alors plus grasse, ce qui ne convient pas aux consommateurs de beaucoup de pays (dont la France), lesquels ont envie de textures légères, comme le montre l'un de nos sondages mené en avril 2018.
Certains acteurs dénoncent les émollients obtenus par estérification : pourquoi ?
Le débat autour des émollients obtenus par estérification trouve sa source en Allemagne, où les consommateurs sont habitués à des textures plus lourdes. Nous avons listé les principaux arguments avancés par les acteurs qui sont contre l’usage des émollients obtenus par estérification.
« Des huiles moins chères »
Affirmer que les émollients obtenus par estérification sont toujours moins chers que les huiles végétales est une erreur. D’un côté comme de l’autre, il existe une multitude de références, certaines bon marché, d’autres très coûteuses. Cela dépend de leur fabrication, de leur rareté, etc.
« Des huiles issues de l’huile de palme »
L’huile de palme peut effectivement entrer dans la composition de certains émollients obtenus par estérification, au même titre que l’huile de coco.
Cependant, marques et labels sont bien conscients des enjeux environnementaux autour de l’huile de palme. Des restrictions se mettent progressivement en place, à commencer par l’insertion d’un critère RSPO (approvisionnement durable) dans le cahier des charges COSMOS.
« Des huiles moins riches en nutriments »
L’huile végétale se compose de triglycérides (95 à 99 %) et de nutriments (1 à 5 % - vitamines, carotènes…). Ce sont donc les triglycérides qui sont majoritaires et apportent la plus grande partie des bienfaits (oméga 3, oméga 6, oméga 9). Les nutriments sont des composants pouvant apporter des bienfaits « bonus » selon leur proportion, mais ce n’est pas valable pour toutes les huiles végétales.
L’émollient obtenu par estérification n’a pas les 1 à 5 % de nutriments de l’huile végétale dont elle est issue. Mais cela ne veut pas dire qu’un cosmétique qui en intègre est moins bon. Nous pouvons prendre l’exemple du linoléate de tocophérol qui résulte de l’estérification de l’acide linoléique provenant de l’huile de tournesol. Cette huile estérifiée est un puissant hydratant qui protège des radicaux libres et minimise les effets du soleil.
Par ailleurs, les bienfaits des nutriments peuvent facilement être obtenus par d’autres ingrédients de la formule que l'huile végétale.
Quelle est la position de Cosmébio concernant les émollients obtenus par estérification ?
Les émollients obtenus par estérification sont autorisés par le label Cosmébio. Deux raisons expliquent ce choix de les autoriser dans les cosmétiques naturels et bio :
- Leur fabrication n’est pas polluante pour l’environnement, contrairement aux silicones et huiles minérales très présents dans les cosmétiques conventionnels.
- Leur intégration dans les cosmétiques permet de répondre aux besoins de certains consommateurs : il y a des personnes qui ont envie de s’hydrater rapidement et efficacement, sans avoir de film gras sur la peau. Les émollients obtenus par estérification permettent de répondre à leur besoin en leur évitant de tomber dans le piège des silicones et des huiles minérales.